Démystification d'une Idée Répandue
L'univers de la parentalité est souvent traversé par un flot incessant d'opinions et de conseils parfois contradictoires, notamment lorsqu'il s'agit du sommeil des bébés. Une remarque récurrente émerge, suggérant que les parents désireux d'aider leur bébé à dormir toute la nuit et à s'endormir seul pourraient être mal perçus, voire qualifiés de "mauvais parents". Cette notion, largement répandue, est souvent nourrie par des opinions populaires ou des jugements sociaux. Cependant, prenons un moment de réflexion pour envisager la question sous un angle plus objectif.
Nature du sommeil des bébés
Pour comprendre cette question, il est important de reconnaître d'abord que le sommeil des bébés est complexe et variable. Certains bébés peuvent avoir plus de difficultés à s'endormir ou à rester endormis que d'autres. Des études, telles que celles menées par Mindell et Owens (2003) [1], ont montré que le sommeil des bébés est influencé par une multitude de facteurs, y compris la biologie, l'environnement familial et les routines de coucher.
Attentes sociales et la pression perçue
Il est indéniable que les parents ressentent souvent une pression sociale pour que leur bébé dorme bien. Cette pression peut provenir de la famille, des amis, des médias ou même des professionnels de la santé. Cependant, cette attente varie selon les cultures et les milieux socio-économiques.
Des études anthropologiques, telles que celle menée par Morelli et al. (1992) [2], ont montré que les pratiques de sommeil des bébés et des enfants varient considérablement d'une culture à l'autre. Par exemple, dans certaines cultures, le partage du lit est une pratique courante et acceptée, tandis que dans d'autres, les bébés sont encouragés à dormir dans leur propre lit dès le plus jeune âge.
Une autre recherche, réalisée par Keller et al. (2008) [3], a examiné les pratiques de sommeil des familles dans différentes cultures et a constaté que les attentes en matière de sommeil variaient en fonction des normes culturelles et des croyances familiales. Ces résultats soulignent l'importance de tenir compte des différences culturelles lors de la discussion sur les pratiques de sommeil des bébés et des tout-petits.
D'autant que l'on constate qu'il n'y a pas de différences significatives dans le développement cognitif, émotionnel ou comportemental des enfants qui ont partagé le lit avec leurs parents par rapport à ceux qui dormaient dans leur propre lit. (Étude de Ball et al. (1999)** [4])
Conséquences du manque de sommeil chez le bébé
Il est bien établi que le sommeil joue un rôle crucial dans le développement et le bien-être des bébés. Le manque de sommeil peut entraîner une variété de conséquences négatives, notamment des problèmes de comportement, des difficultés d'apprentissage et des troubles émotionnels.
Une étude menée par Sadeh et al. (2002) [5] a examiné les effets des multiples réveils nocturnes sur le comportement des enfants d'âge préscolaire. Les résultats ont montré que les enfants qui présentaient des réveils fréquents pendant la nuit étaient plus susceptibles de présenter des problèmes de comportement externalisés, tels que l'agressivité et l'opposition, par rapport à ceux qui dormaient bien.
De plus, le manque de sommeil peut entraîner une dette de sommeil chez les bébés, ce qui peut avoir des conséquences à long terme sur leur santé et leur développement. Des recherches, telles que celles menées par Gruber et al. (2012) [6], ont montré que la dette de sommeil chez les enfants était associée à des problèmes de santé mentale, y compris l'anxiété et la dépression, ainsi qu'à des difficultés d'apprentissage et de mémoire.
Difficultés des parents et la relation parent-bébé
Le manque de sommeil chez le bébé peut également avoir un impact significatif sur les parents et la relation parent-bébé. Les parents, en particulier les mères, peuvent ressentir un épuisement physique et émotionnel important, ce qui peut entraîner une diminution de la patience et de l'attention portée à leur enfant.
Tikotzky et Sadeh (2010) [7] ont examiné les effets du manque de sommeil maternel sur la qualité de l'interaction mère-enfant. Les résultats ont montré que les mères qui dormaient moins avaient tendance à être moins sensibles et moins réactive aux signaux de leur bébé, ce qui pouvait influencer négativement la qualité de la relation parent-bébé. De même, une étude menée par Lee et al. (2007) [8] a révélé que les mères d'enfants qui avaient des problèmes de sommeil étaient plus susceptibles de présenter des symptômes de dépression postnatale.
En outre, le manque de sommeil peut également affecter la dynamique familiale et le fonctionnement quotidien. Des recherches, telles que celles menées par Bernier et al. (2010) [9], ont montré que les parents qui manquaient de sommeil étaient plus susceptibles de se disputer et de se quereller, ce qui pouvait créer un climat familial tendu et stressant.
En comprenant les difficultés auxquelles sont confrontés les parents en raison du manque de sommeil de leur bébé, il nous semble crucial d'offrir un soutien et des ressources pour promouvoir le bien-être familial et favoriser une relation parent-bébé positive, tout en permettant l'épanouissement du bébé.
Soutenir les choix parentaux en matière de sommeil
Il est important de reconnaître que toutes les mères n'ont pas la possibilité ou le désir de pratiquer le maternage proximal, y compris le partage du lit avec leur bébé. En fonction de leurs contraintes environnementales, familiales ou culturelles, ainsi qu'en fonction des besoins individuels de l'enfant les parents ne font pas les mêmes choix en matière de sommeil.
Des études, telles que celle menée par Mindell et al. (2019) [10], ont montré que le sommeil partagé n'est pas la seule option pour promouvoir un sommeil sain chez les bébés. Des environnements de sommeil sécuritaires et adaptés peuvent être aménagés dans le lit du bébé, offrant ainsi une alternative sûre au partage du lit.
D'autres recherches, comme celle menée par Mindell et al. (2016) [11], ont montré que les bébés peuvent bien se développer et prospérer même s'ils ne pratiquent pas le maternage proximal. Les relations parent-enfant peuvent être solides et sécurisantes, même en l'absence de partage du lit ou de prise dans les bras à chaque réveil nocturne.
Nous faisons donc le choix de reconnaître la diversité des expériences parentales et de soutenir les mères dans leurs choix individuels en matière de sommeil, tout en leur fournissant des informations factuelles et des options adaptées à leurs besoins et à ceux de leur bébé.
Conclusion
En fin de compte, il est crucial de reconnaître que les attentes des parents en matière de sommeil de leur bébé peuvent être influencées par des normes sociales et des pressions externes. Cependant, cela ne signifie pas que les parents sont de mauvais parents s'ils ont des attentes élevées en matière de sommeil pour leur bébé. Il est essentiel de soutenir les parents dans leurs efforts pour répondre aux besoins individuels de leur enfant et de promouvoir des discussions ouvertes et respectueuses sur la parentalité et le sommeil des bébés.
De surcroît, une approche inclusive et bienveillante envers les différents choix parentaux en matière de sommeil est primordiale. Les mères qui optent pour une méthode où elles répondent aux besoins de sommeil de leur bébé en partageant leur lit jusqu'à ce qu'il soit autonome dans son sommeil méritent également une considération positive et un soutien. Il est crucial de reconnaître qu'une mère qui est en accord avec ses choix a forcément une attitude plus positive avec son bébé, et il est nécessaire de la soutenir quelles que soient ces décisions. La diversité des pratiques parentales témoigne de la richesse des expériences individuelles et de l'importance de respecter les besoins uniques de chaque famille.
Références :
1. Mindell, J. A., & Owens, J. A. (2003). A Clinical Guide to Pediatric Sleep: Diagnosis and Management of Sleep Problems. Lippincott Williams & Wilkins.
2. Morelli, G. A., Rogoff, B., Oppenheim, D., & Goldsmith, D. (1992). Cultural variation in infants' sleeping arrangements: Questions of independence. Developmental Psychology, 28(4), 604-613.
3. Keller, H., Borke, J., Yovsi, R., Kartner, J., Jensen, H., & Papaligoura, Z. (2008). Developmental Consequences of Early Parenting Experiences: Self‐Recognition and Self‐Regulation in Three Cultural Communities. Child Development, 79(6), 1744-1760.
4. Ball, H. L., & Hooker, E. (1999). Sleep patterns in the family bed: an Australian study. Archives of disease in childhood, 80(4), 334-337.
5. Sadeh, A., Gruber, R., & Raviv, A. (2002). Sleep, neurobehavioral functioning, and behavior problems in school‐age children. Child Development, 73(2), 405-417.
6. Gruber, R., Laviolette, R., Deluca, P., Monson, E., Cornish, K., & Carrier, J. (2012). Short sleep duration is associated with poor performance on IQ measures in healthy school‐age children. Sleep medicine, 13(3), 290-296.
7. Tikotzky, L., & Sadeh, A. (2010). Maternal sleep‐related cognitions and infant sleep: A longitudinal study from pregnancy through the 1st year. Child Development, 81(1), 68-76.
8. Lee, K. A., Zaffke, M. E., & McEnany, G. (2000). Parity and sleep patterns during and after pregnancy. Obstetrics & Gynecology, 95(1), 14-18.
9. Bernier, A., Bélanger, M. È., Bordeleau, S., & Carrier, J. (2013). Mothers, fathers, and toddlers: Parental psychosocial functioning as a context for young children’s sleep. Developmental psychology, 49(7), 1375.
10. Mindell, J. A., Sadeh, A., Kwon, R., & Goh, D. Y. (2019). Relationship between Cosleeping and Maternal Sleep: A Meta-analysis. Sleep medicine reviews, 43, 79-85.
11. Mindell, J. A., Sadeh, A., Wiegand, B., How, T. H., & Goh, D. Y. (2016). Cross-cultural differences in infant and toddler sleep. Sleep medicine, 19, 54-61.
LES AUTEURS...
Orianne et Nathanaël sont les Fondateurs de la Méthode Bonne Nuit Bonne Sieste.
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